Personne ne m’a dit…/ Nobody told me…

  Anne-Hélène Frustié
 France
 
 

J’ai avorté à 18 ans en 1979, peu après ma rencontre avec un homme beaucoup plus âgé que moi. Trop intimidée pour dire que je souhaitais réserver au mariage mon premier rapport sexuel, point de vue qui ne m’a pas été demandé, je me suis retrouvée enceinte. Alors étudiante en Khâgne, je croyais que la loi Veil était une grande victoire des femmes et que l’embryon n’était pas un enfant. Consciente d’avoir été utilisée par cet homme, mal informée, sans soutien ni ressources propres, l’avortement semblait la seule solution.

Le jour de l’avortement, tout en réalisant l’horreur de ma situation à la clinique, je n’ai donc pas cherché à m’échapper. l’IVG par aspiration a été pratiquée sous anesthésie générale. Je me suis réveillée en ayant extrêmement mal au ventre et en entendant les cris des femmes qui accouchaient dans les chambres avoisinantes.
Contrairement à ce que je croyais, l’IVG n’a pas réglé mon problème. Il en a créé une multitude d’autres. Voilà ce que personne ne m’a dit: Personne ne m’a dit que je sombrerais dans une profonde dépression immédiatement après l’IVG et que les premières envies de mourir commenceraient. La douleur était si profonde que pour continuer à vivre, je la refoulerais pendant des années jusqu’à ce que le psychisme épuisé par ces efforts craque.

Personne ne m’a dit que les symptômes de stress post-traumatique apparaîtraient 9 ans après l’IVG sous la forme d’une angoisse incompréhensible et effroyable, puis 11 ans après l’IVG sous la forme de 3 années de souffrance intense: 7 hospitalisations sur 3 ans seront nécessaires pour venir à bout de dépressions suicidaires et d’épisodes d’hyper excitation où je cherchais à échapper à une mort imminente. Mais le lien de cette souffrance avec l’IVG n’a pas été reconnu et j’ai été faussement diagnostiquée par les médecins avec une maladie génétique incurable nécessitant à vie une prise quotidienne de médicaments.

Personne ne m’a dit que 16 ans après mon IVG, avec la naissance d’un fils un an après mon mariage, toutes les conditions seraient réunies pour faire remonter le traumatisme de l’avortement. Cauchemar après cauchemar, je me verrais enterrer des bébés vivants, jeter à la mer des bébés, et chercher à échapper à une mort imminente. Pour les 3 mois de mon bébé, une petite phrase provoquerait l’effondrement de 16 ans de déni de réalité sur mon avortement. La petite phrase était « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime »et je réaliserais la seconde suivante que j’avais fait le contraire en avortant.

Personne ne m’a dit que je serais sidérée de comprendre alors, que ma maladie, les cauchemars, l’obsession d’éviter une mort imminente étaient liés à l’IVG 16 ans plus tôt. Depuis des années, je revivais donc inconsciemment la destruction violente de la vie que j’avais portée.

En faisant le deuil du bébé que je ne tiendrais jamais dans mes bras, tous les symptômes de ma soi-disant maladie génétique incurable ont disparu rapidement. J’ai cessé tout médicament depuis 10 ans mais j’ai continué de pleurer sur mon bébé perdu pendant des années. Pour sortir de la honte, de la culpabilité, de la colère, du jugement sur moi-même, me pardonner à moi-même et pardonner aux autres, j’ai été aidée en France par Mère de Miséricorde et l’Agapa. Aux Etats-Unis où j’ai ensuite vécu quelques années, j’ai été aidée par les femmes dans ma situation dans les groupes post-avortement auxquels j’ai participé ou que j’ai animés (Une Saison pour Guérir, Pardonnée et Libérée, Projet Rachel et la Vigne de Rachel).

Forte de la guérison du Christ, de l’amour de mon mari et de nos 4 enfants, je peux parler aujourd’hui de mon espérance retrouvée et de ma joie de témoigner. Je rends ainsi hommage à ce petit être distinct de moi que je regrette d’avoir avorté et que j’ai appelé Emmanuel. A travers mes années de souffrance et de guérison, j’espère que sa courte vie portera des fruits de vie et d’amour vrai pour d’autres que moi.  Ne voulant pas que d’autres femmes souffrent comme j’ai souffert de l’avortement, je continuerai de rompre le silence.

 

I had an abortion in 1979. I was 18 and had recently met a much older man. Too shy to say that I intended to reserve my first sexual intercourse for marriage, I became pregnant. As a student, I thought at the time that the law legalizing abortion was a great victory for women and that an embryo was not a child. I was aware that I had been used by this man, but badly informed, without support or a salary, I felt that abortion was my only option.

The day of the abortion at the clinic I was overwhelmed with shock.  But I did not try to escape as I felt there was no other way out. The doctor proceeded with the abortion by aspiration. I had a general anesthetic – so all I remember is waking up with intense pain and hearing the screaming of other women giving birth.

But the abortion did not solve my problem or erase my pregnancy as I thought it would. It created instead a multitude of other problems. Here is what nobody told me:

Nobody told me that immediately after the abortion, I would fall into a deep depression and that the first desires to die would occur. The pain of the abortion was so deep that in order to go on living, I repressed it for years until the pyschism exhausted by these efforts collapsed.

Nobody told me that the symptoms of post-traumatic stress would explode between 9 and 16 years after my abortion. First through a horrible anguish that I could not understand; then through three years of intense suffering and seven periods of hospitalization (required to treat episodes of suicidal depression followed by hyper excitation where I was trying to escape a death sentence). But nobody saw the link between this suffering and my abortion. Doctors instead incorrectly diagnosed a genetic and incurable illness for which a lifelong daily medication was prescribed.

Nobody told me that 16 years after my abortion at time of the birth of my first son, the trauma of the abortion would resurface. This awakening was preceded by horrible and repetitive nightmares where night after night, I would picture myself throwing babies in the sea, burying babies alive or trying to escape a death sentence. When my baby son was three months old, 16 years of denial were broken by a sentence in John 15:13: “Greater love has no one than this, that he lay down his life for his friends”. At this very moment I realized that I had done the contrary by taking the life of my first baby.

Nobody told me that I would be stunned to understand that my illness, the nightmares, the obsession to escape a death sentence, were all linked to the abortion 16 years before. For years, I had relived unconsciously the violent destruction of this life inside me.

Grieving the loss of the baby I would never hold in my arms, all the symptoms of my so-called genetic and incurable illness disappeared quickly. I stopped my medication 10 years ago but continued crying over my lost baby for years.
To heal myself of shame, guilt, self-judgement, to forgive myself and to forgive others, I was helped in France by Mère de Miséricorde and l’Agapa. In the USA where I lived for several years, I received help from women in my situation in the post-abortion groups I attended as a participant or as a leader (A Season to Heal, Forgiven and Set Free, Project Rachel, Rachel Vineyard).

Healed by Christ, the love of my husband and our four children, I can talk now of my renewed hope and my joy to be Silent no More. Through my years of suffering and healing, I honor my unborn child named Emmanuel. I hope that his short life will bear the fruit of life and true love for others. I do not want other women to suffer like I have suffered from my abortion. That is why, I will continue to be Silent no More.

 

   
   
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